Est-ce l'eau qui brûle ou la flamme qui consume l'eau ?
Ma mère, Tauren druide reconnue parmi les siens, est partie combattre Archimonde au nom de la paix. Elle a survécu. Et son regard témoigne aujourd'hui encore des horreurs qu'elle y a rencontrées. Mon père a toujours été un pacifiste convaincu, persuadé que le dialogue est la seule issue stable d'un conflit. Lorsque ma mère se battait, il restait auprès de moi pour parfaire mon éducation, élevant mon esprit jusqu'aux contrées du savoir ancestral.
Si ma mère n'était partie combattre, est-ce que le dialogue de mon père aurait suffit pour arrêter le démon Archimonde ? Et si les mots de mon père se perdaient sans cesse dans les bruits de la bataille, ma mère se rendrait-elle à des conflits sans fin ? La paix est-elle dialogue ou guerre ?
Les esprits ont accepté de m'aider dans une lourde tâche, celle de l'observation. C'est donc la voie du Chaman qui m'a choisi pour répondre à une complexe question : Comment la paix est-elle possible ? Faut-il partir combattre sur d'autres continents ceux qui pourraient nous agresser, protégeant nos enfants restés dans nos foyers ? Faut-il attendre la venue de l'agresseur et se défendre, alors que nos terres sont brûlées et nos villages pillés ? Faut-il dialoguer avec ceux qui l'acceptent, espérant que les mots soient assez forts pour arrêter une armée en route ?
Alors, oui, j'ai observé. Fort de ma connaissance de l'esprit, je ne crains pas la mort car je la maîtrise. J'ai donc accepté de me faire poignarder dans le dos alors que je chassais les trotteurs. Et lorsque le voile ténébreux envahit mes yeux, c'est un Humain que je vois. J'ai accepté de me faire lyncher par un Nain accompagné d'un Gnome alors que je me baignais dans les eaux d'Ashenvale. Et lorsque l'un de ceux que je pensais être l'un de nos frères du Kalimdor, un Elfe, druide et respectueux de la Terre Sacrée, comme ma mère, m'attaqua sans la moindre raison, sa maîtrise étant bien supérieure à la mienne, alors j'ai senti la colère monter en moi.
Orc, Troll ou même Morts-Vivants étaient amicaux, quand les autres races étaient prêtes à me tuer pour une unique raison : celle de mes origines Taurènes. Pourtant, au fur et à mesure de ma découverte du continent, il m'arriva de coopérer avec l'une des races qui se voulait ennemie, afin d'atteindre un but commun. Et une fois ce but atteint, parfois, nous arrivions à communiquer par gestes notre estime de l'autre. Un espoir ?
Bien pire, je me suis rendu compte que certains Taurens étaient près à massacrer ceux qu'ils nomment "de l'Alliance" s'estimant en guerre. Quelle guerre ? J'ai souhaité accompagner certains d'entre-eux pour comprendre, et je me suis rendu à une grande bataille aux portes de Stormwind. Je n'ai pas voulu lever ma hache sur qui que ce soit, acceptant le risque que je prenais. Une personne m'avait nommé l'Observateur, et j'observais. Cette bataille n'eue aucun vainqueur, uniquement des vaincus. Et la réaction de l'Alliance ne se fit pas attendre longtemps : elle partit massacrer nos villes et villages... Qu'avaient gagné nos fiers combattants si ce n'est quelques galons et un honneur dont ils sont les seuls à être fier... Nos enfants, eux, avaient l'honneur de mourir, et pour eux point de maîtrise de l'esprit...
La paix ou la guerre ? Ce soir là, il m'a fallu défendre mon peuple. Ma hache a fait couler le sang auquel s'est rapidement mêlé le mien. J'entendais les terres de deux continents hurler leur désespoir. Alors j'ai continué à défendre, et encore défendre. Je ne décrirais pas les horreurs qui ont eu lieu, mais elles furent terribles. Mes exploits de défenseur de nos contrées m'ont fait remarquer par nos généraux, et ils m'ont gradé, au nom de leur honneur. Comment leur expliquer que mon honneur était différent du leur ? Et je ne pouvais refuser ce grade, car il était à jamais gravé en moi. Je n'en ai pas honte : il est le symbole de mon ardeur à défendre nos terres, mais je refuse les idées de ceux qui me l'ont donné.
Qu'importe aujourd'hui...
Le temps de l'observation est révolu. J'arrive à un moment de ma formation où je ne peux plus me cacher derrière mes interrogations. Il me faut choisir.
Celle qui m'avait nommé l'Observateur m'a un jour proposé de la rejoindre dans sa grande oeuvre de paix. Peut-être a-t-elle perçu en moi un espoir pour le rapprochement des peuples. J'ai cependant repoussé le moment du choix. Je manquais sans doute de maturité. J'ai alors continué à observer, sachant pertinemment que je me cachais derrière cette excuse. Et je me suis retrouvé pris dans des batailles de grandes envergures comme dans des escarmouches. Toujours pour défendre... Et pour oublier je me rendais souvent dans les lointaines terres d'Azeroth, aux portes des capitales de l'Alliance, afin d'aller aider quelques jeunes gens de l'Alliance à chasser. Leur sourire de remerciement me réchauffait le coeur.
Celle qui m'avait nommé l'Observateur a aujourd'hui disparu, et cela me rend triste de ne point avoir décidé de ma voie alors qu'elle était présente. J'ai décidé de me battre pour la paix, chose que j'ai toujours faite. Je suis un défenseur, et je me rends compte que je n'ai jamais attaqué délibérément un membre de l'Alliance. J'ai toujours cherché à communiquer avec ceux dont je ne comprends pas le langage. J'ai toujours essayé d'empêcher, et souvent avec succès, ceux de la Horde qui souhaitait agresser ceux qu'ils considèrent comme ennemis. Et si je n'ai jamais arrêter une armée, je me dis qu'à plusieurs ce sera peut-être possible. Alors, même si je suis un chaman prêt à se battre pour la défense de mon peuple, j'ai choisi quel serait ce peuple : ce sera le peuple de la Horde et de l'Alliance.
Voilà qui je suis, et quels sont mes choix. Je crois que les paroles sont aussi puissantes que les armes. Et je crois que la paix passe d'abord par ses messagers, ce qu'étaient mon père et ma mère, chacun à leur façon.
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